Ronan Ynard, premier YouTubeur théâtre

« Bonjour à tous, nous sommes le 15 septembre, il est presque 19h, le marathon Jan Fabre, de 24 heures, va bientôt commencer. [… ] Donc voilà j’ai pris des bananes, des gâteaux, de l’eau… Du dentifrice, j’ai pris du dentifrice ! ».

Face à sa caméra virevoltante, à quelques pas du grand hall de La Villette à Paris, Ronan Ynard filme son expérience de spectateur pour sa chaîne YouTube.

Sur cette vidéo visionnée plus de 3 000 fois, Ronan réalise un vlog (contraction de blog et de vidéo) sur les 24 heures qu’il a passé face à la performance du metteur en scène Jan Fabre, Mount Olympus en septembre 2017. Impressions heure par heure, extraits du spectacle et critique finale in situ, Ronan Ynard entraîne l’internaute au plus près de cette représentation hors normes.

Vlogs, critiques et FAQ théâtrales 

Sur sa chaîne YouTube, le vidéaste de 26 ans compile 1 300 abonnés et une centaine de vidéos où des vlogs de critiques théâtrales à Paris ou au Festival d’Avignon croisent des entretiens avec des metteurs en scène de renom comme Vincent Macaigne, Thomas Jolly ou Olivier Py. On y trouve même des « FAQ » (foire aux questions) plus coutumières aux YouTubeuses beauté qu’aux critiques dramatiques. 

La chaîne de Ronan Ynard est la première du genre consacrée au théâtre. Et pour le jeune homme, choisir YouTube pour parler du sixième art n’a rien d’antinomique.

« J’ai commencé en regardant les vlogs d’EnjoyPhoenix et des critiques comme Le Fossoyeur de films et je me suis dit que c’était fou que personne ne parle de théâtre sur YouTube. »

Rien ne prédestinait pourtant ce spectateur chevronné à lancer un jour la première chaîne YouTube française dédiée aux pépites des saisons théâtrales. C’est en s’inscrivant, après un début de DUT en génie biologique, en licence d’études théâtrales à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 que Ronan découvre le théâtre contemporain, à l’âge de 19 ans.

« J’ai grandi à Vichy, en Auvergne et j’allais au théâtre une fois par an. Pour moi, le théâtre c’était le boulevard, des dorures et du velours. Avec l’Université Paris 3, j’ai découvert un autre monde. J’ai trouvé ça incroyable ce qui se passait sur scène, la multiplicité des histoires que l’on pouvait raconter sur un plateau. Je n’ai plus jamais lâché»

Gagner sa légitimité  

Désormais diplômé d’un master d’études théâtrales de l’Université Paris 3 – et après avoir soutenu un mémoire intitulé «  fonction et archétypes du personnage de drag-queen dans les comédies musicales de Broadway  » – Ronan Ynard s’est décidé à se lancer en tant que critique sur YouTube. 

« Au début, les attachés de presse ne me prenaient pas vraiment au sérieux quand je leur demandais des places de théâtre pour ma chaîne. Certains ne savaient même pas ce qu’étaient un vlog !. Mais, au fur et à mesure, j’ai fini par gagner en légitimité et aujourd’hui, je ne compte plus les mails d’invitations que je reçois chaque jour ».

 Il faut dire que son activité de critique YouTube lui demande un temps considérable. Malgré le ton très spontané qui fait sa marque de fabrique, Ronan Ynard prépare méthodiquement chacune de ses critiques et passe ensuite plusieurs heures à monter et diffuser son travail sur les réseaux sociaux.

Sans parler des nombreux tournages où le YouTubeur est resté de longues minutes campé devant les facades des théâtres, à chercher la formule finale la plus percutante après la représentation.  « Pour le moment, je ne vis absolument pas de ma chaîne YouTube », explique le vidéaste lauréat de la bourse d’été 2017 du Syndicat de la critique pour sa couverture du Festival d’Avignon. Mais ce serait un rêve de pouvoir un jour en faire mon métier ».

« Il faut arrêter de se dire que le théâtre est trop sérieux pour être léger »

Car si le monde théâtral a mis du temps à s’ouvrir aux nouvelles technologies en matière de communication, Ronan Ynard est persuadé que la diffusion du théâtre auprès des jeunes générations se joue en ligne :

« Il faut arrêter de se dire que le théâtre est trop sérieux pour être léger, s’exclame t-il. Avec YouTube, je montre aux gens qu’on peut pousser la porte d’un théâtre, que c’est accessible à tous et que c’est simple. Quand j’ai commencé mes vidéos, je filmais mes pieds, la façon dont j’étais habillé pour montrer qu’il n’y avait rien de cérémonieux à aller voir un spectacle ».

Et cette démocratisation des arts de la scène fait mouche : près de 75% des abonnés de Ronan ont moins de 34 ans.

« Je reçois des messages d’adolescents de 15 ans, qui vivent loin des théâtres parisiens et qui me remercient car ils ne connaissent personne avec qui parler de leur passion. Au fond, je filme les vidéos que j’aurai eu envie de voir ».   

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