Quelles formations pour se préparer aux concours des écoles supérieures de théâtre ?

Etudiants de l’étbsa © Anne-Sophie Annese

La rentrée universitaire 2017 marque également le coup d’envoi de la préparation aux concours d’entrées des 13 écoles supérieures d’Art Dramatique (voir notre papier Tout savoir sur les écoles supérieures d’Art Dramatique). Habilitées à délivrer le  DNSPC (Diplôme National Supérieur Professionnel de Comédien), ces formations en trois années sont prisées par un nombre croissant de candidats.

En 2017, le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (CNSAD) en comptabilisait 1330 pour 30 places ou 430 pour 14 places à l’École supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine (l’éstba). Pour se préparer aux fameuses « scènes de concours » – ces trois minutes où le comédien en herbe doit révéler son potentiel artistique – plusieurs options sont possibles. D’un côté les cours publics dispensés dans les conservatoires municipaux, départementaux ou régionaux. De l’autre les cours privés et le « coaching » – des comédiens ou metteurs en scène qui proposent des cours particuliers pour des tarifs avoisinant en moyenne 30 à 40 euros de l’heure.

« Nous n’avons aucun à priori au moment du concours sur l’endroit où les candidats ont été préparés, explique Franck Manzoni directeur de l’éstba. Il est important que les candidats n’arrivent pas totalement vierges au moment du concours mais, davantage que d’avoir toutes les armes, il faut proposer quelque chose de singulier ». Une affirmation reprise par Serge Tranvouez, directeur de l’Ecole Supérieur d’Art Dramatique de Paris (ESAD) : « il faut être bien préparé pour être à l’aise sur le plateau et dans ses scènes mais ne pas chercher à être efficace, il faut tenter d’être soi-même. Certains candidats semblent parfois formatés. Or, ce qui nous intéresse, c’est de laisser entrevoir une fragilité ».

Les cours publics ont le vent en poupe 

A titre indicatif, l’Ecole du Spectacle a recueilli la liste des formations suivies par les candidats reçus au CNSAD et au à l’éstba en 2017 et à l’Ecole du Nord de Lille en 2016. Des données à « relativiser au regard du nombre de candidats présentés par chaque école » précise t-on au Conservatoire de Paris où 16 admis viennent du cours Florent sur une promotion de 30 élèves. Il faut dire que le célèbre cours privé a présenté 318 candidats. Un effectif colossal lorsqu’on sait que les conservatoires ne comptent généralement qu’une quinzaine d’élèves par cycles.

« Le niveau des conservatoires a considérablement monté ces dernières années en terme de préparation aux concours, constate le directeur de l’ESAD. Un avis partagé par l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Techniques Théâtrales à Lyon où l’on précise que « la majorité des étudiants proviennent de conservatoires publics, de province ou d’arrondissement. ».

Vers l’égalité des chances 

Face à la concurrence, de plus en plus d’écoles supérieures ont mis en place des dispositifs d’égalité des chances (voir notre reportage « Repousser les limites » avec les jeunes comédiens de la classe égalité des chances de la MC93). Après l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne ou le Théâtre National Supérieur de Strasbourg, l’éstba ouvre une classe préparatoire. « Le concours est de plus en plus difficile, affirme Franck Manzoni.  Le niveau monte considérablement et certains jeunes gens arrivent un peu perdus. L’univers théâtral peut sembler très codé, restreint. Nous avons eu envie de donner leur place à des personnes qui n’ont pas les moyens financiers, géographiques de passer les concours ou tout simplement qui n’ont pas accès aux bonnes informations. » 

Pendant deux années, l’éstba va organiser des stages (inscriptions  jusqu’au 30 novembre) avant d’ouvrir une classe pour la rentrée 2019. Les frais des concours seront pris en charge par l’école. Car « passer les concours » coûte cher. « Près de 2 000 euros en comptant les déplacements, le logement et les frais d’inscription » estime Franck Manzoni. « Il y a une forme d’urgence à ce que les écoles accueillent des étudiants issus de milieux différents. Cela fait partie de notre mission, assène t-il. On ne peut pas faire vivre une institution qui soit un coffre-fort.» .

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Concours de théâtre : les conseils de la directrice du Conservatoire de Paris

Claire Lasne-Darcueil à la tête du CNSAD depuis 2013 ( Photo : Frédéric Pickering)

Ils sont 1331 candidats inscrits au premier tour du concours du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (CNSAD) de Paris. Ils ne seront que trente, quinze garçons et quinze filles, à voir leurs noms affichés sur la liste des admis à l’issue de trois épreuves éliminatoires.

La saison des concours a débuté pour les jeunes comédiens souhaitant intégrer des écoles supérieures d’art dramatique (lire notre billet de blog « Tout savoir sur les écoles supérieures d’art dramatique »). Cette année, le premier tour du CNSAD – l’établissement qui attire le plus grand nombre de candidats – se déroulera du 5 au 17 mars.

Pour départager ces postulants âgés de 18 à 25 ans, un exercice imposé : la scène de concours. Au Conservatoire de Paris, elle ne dure jamais plus de trois minutes, au risque de se voir imposer un implacable « merci » en cas de dépassement du chronomètre.

Trente candidats par jour 

Quatre scènes sont à préparer pour le premier tour : une classique, une contemporaine, une en alexandrins et enfin un parcours libre, expression des talents du candidat. Claire Lasne-Darcueil, directrice du Conservatoire depuis 2013, a imposé une règle simple. Le candidat a le choix de la première scène qu’il souhaite passer durant l’épreuve, « ce qui lui permet de bien se concentrer », détaillait la directrice lorsque nous l’avions rencontrée l’année passée. « Le jury demande ensuite à écouter une à trois scènes supplémentaires ou pose quelques questions au candidat sur son envie d’entrer à l’école ».

Ce jury, composé de cinq professionnels du monde du spectacle, voit défiler trente personnes par jour. Trente candidats accrochés au même rêve, présentant en cent quatre-vingt secondes le fruit de plusieurs mois, parfois même d’années, de travail acharné. « Nous avons le devoir de rester frais et ouverts à toutes les propositions » affirme Claire Lasne-Darcueil. Nous votons ensuite pour les candidats admis au deuxième tour. D’ailleurs, nous sommes en général assez unanimes sur les gens que nous souhaitons revoir. Il y a des évidences

Savoir « être au présent »

Ce qui est déterminant pour le jury, selon Claire Lasne-Darcueil, ce n’est pas tant le niveau technique que la capacité à être « au présent ».

« Tout se se passe dans l’instant. Tout d’un coup, on ne voit plus quelqu’un qui fait du théâtre mais on est face à quelqu’un qui est tout simplement là. »

Un fragile équilibre entre présence scénique et gestion du stress qui induit bien évidemment des rendez-vous manqués entre les acteurs en herbe et leurs auditeurs : « Les concours sont arbitraires, il suffit de voir le nombre de candidats pour le nombre d’admis. Et il y a des gens formidables qui ratent parce qu’ils ne sont pas vraiment là au moment de leur passage. Ce qui ne remet en aucun cas en question leur potentiel ou leur valeur. » 

Concernant le choix des scènes de concours, Claire Lasne-Darcueil n’a pas de préconisations particulières mais elle apprécie lorsque les jeunes comédiens lui font « découvrir des textes ou des auteurs » : « Des scènes trop passées par les candidats peuvent appauvrir l’écoute du jury. L’année dernière, on a entendu beaucoup de Wajdi Mouawad ou de Falk Richter. »  A bon entendeur… Mais, « il n’y a pas de recette » ajoute prestement Claire Lasne-Darcueil.

Changer la place des femmes sur scène

La directrice du CNSAD a néanmoins formulé une doléance, il y a deux ans de cela, lors d’une rencontre au Théâtre de la Colline questionnant les représentations de la femme sur scène.

« J’avais remarqué qu’en concours, les jeunes filles jouaient des scènes de viol, d’agression, de dégradation. Des situations caractéristiques du répertoire classique, écrit par des hommes, où la femme est malheureusement souvent montrée comme victime. C’était un spectacle assez inquiétant. »

Et Claire Lasne-Darcueil a été entendue : « en une année, ça a changé du tout au tout, c’est tout juste si les candidates ne mettaient pas des beignes à leurs partenaires ! Plus sérieusement, elles m’ont prise au mot de façon fine et humoristique. D’ailleurs, montrer la femme comme drôle, ça c’est quelque chose qui est moins habituel ! »

Enfin, lorsqu’il s’agit de donner des conseils aux candidats qui se présenteront 2 bis rue du conservatoire dans moins d’un mois, Claire Lasne-Darcueil met l’accent sur l’envie et le travail. « Je crois que quand on a un désir profond, il faut se sentir légitime, assure t-elle. On est légitimé par la force de son désir et par son travail, c’est le meilleur cocktail. »