Julie Bednarek, biologiste reconvertie dans les musiques actuelles : « Les formations d’Issoudun ont été une seconde chance ! »


 

« J’ai atterri dans la biologie un peu par hasard. Après un Bac S, je ne savais pas trop vers où m’orienter. Alors, j’ai suivi des études en biologie végétale – qui m’ont passionnée – et j’ai poursuivi jusqu’au doctorat, en physiologie et génétique moléculaires, tout en enseignant en parallèle. C’est en cherchant un contrat post-doctoral que j’ai compris que quelque chose clochait. »

Julie Bednarek a 33 ans. Dans son bureau, situé dans le troisième arrondissement de Paris, la chanteuse Christine and The Queens sourit sur un poster. Toute la semaine, Julie Bednarek passe des studios d’enregistrement aux salles de concert, conseille les artistes sur leurs productions et scrute Spotify ou Facebook à la recherche de nouveaux talents. Pourtant, il y a à peine trois ans, le quotidien de Julie Bednarek était à des années-lumière de celui d’une assistante de directeur artistique dans une boîte d’édition musicale et de production. La jeune femme partageait son temps entre les laboratoires, les salles de cours de l’Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand et « les champs et les serres, les mains dans la terre ».

« J’ai découvert que j’avais du flair »

« On me proposait des contrats post-doctoraux prestigieux, mais je me sentais incapable de les accepter, se souvient l’ancienne chercheuse. Je suis très intuitive, je me suis dit qu’il fallait que je prenne un peu de temps pour réfléchir, après des années la tête dans le guidon ». À cette époque, quand elle n’est pas dans son laboratoire, Julie Bednarek écume les salles de concert auvergnates. Elle accepte donc, au petit bonheur, la proposition d’amies de devenir barmaid puis programmatrice musicale dans un club clermontois. « Ca a été une révélation, il fallait anticiper ce que les gens allaient écouter, j’ai découvert que j’avais du flair ! On a eu quelques bons coups, on a programmé des groupes comme Feu! Chatterton, par exemple ». Julie Bednarek décide alors de faire ses adieux à la recherche et de se lancer dans l’aventure des musiques actuelles.

« Mes collègues étaient abasourdis. Je savais qu’en quittant la recherche, je ne pourrai plus jamais y revenir. Mais, pour la première fois, j’ai eu la sensation de faire un choix dans ma vie. »

Six mois pour tout apprendre aux formations d’Issoudun

Hors de question pour autant de se lancer dans l’aventure sans suivre un cursus professionnalisant. On recommande à Julie Bednarek les formations d’Issoudun, un « centre de formation professionnelle aux métiers des musiques actuelles », une référence dans le milieu. « Je savais que c’était extrêmement sélectif – près de 250 candidatures pour 20 places –, affirme-t-elle. Et que j’étais un OVNI total : hyperdiplômée et chercheuse en biologie. Mais j’ai fait preuve de détermination : j’ai été recommandée par des professionnels à Clermont-Ferrand, j’ai décroché une promesse de stage et j’ai été acceptée ! »

Durant six mois, financée par Pôle-Emploi, la biologiste en reconversion suit donc un cursus Assistant(e) de production des musiques actuelles, à Issoudun, en Centre-Val de Loire. Cinq jours par semaine, de 8h30 à 18h, elle retrouve les bancs de l’école et étudie sans relâche. « Avec la thèse, je pensais que j’avais une grosse capacité de travail, mais je n’étais pas du tout prête à ce qui m’attendait », s’amuse la trentenaire.

A Issoudun, les étudiants de sa promotion, âgés de 23 à 40 ans, sont mis au contact d’intervenants professionnels. Julie Bednarek découvre le secteur de l’édition musicale et de la direction artistique. « Une nouvelle révélation ». Après un stage au sein de la société d’édition musicale Warner/Chappell, elle est désormais embauchée en contrat à durée indéterminée chez REMARK, société fondée par Marc Lumbroso, éditeur et producteur qui a notamment collaboré avec Jean-Jacques Goldman, Raphaël ou Vanessa Paradis.

« La recherche m’aide encore aujourd’hui »

Aujourd’hui, Julie Bednarek ne regrette absolument pas sa reconversion. Passionnée par son métier, elle «touche à tout » de l’accompagnement des artistes dans leur carrière, à la détection de l’émergence musicale en passant par l’analyse artistique du travail des créateurs. « J’apprécie énormément le contact humain, que je ne trouvais pas toujours dans mon activité de chercheuse, analyse-t-elle. En revanche, la recherche m’aide encore aujourd’hui lorsqu’il s’agit d’écouter son instinct, d’aller là où ne s’y attend pas ou de sortir des sentiers battus ». Si la biologie lui manque « souvent », Julie Bednarek a la sensation d’avoir pris un virage décisif, au bon moment.

« L’industrie musicale et la crise du disque ne m’ont jamais fait peur. Je viens d’un milieu qui est tellement en difficulté depuis ces cinq dernières années – notamment au niveau des financements internationaux – que je me disais que, dans la musique, je trouverai toujours un job !

Quand j’ai été acceptée aux formations d’Issoudun, j’ai eu la sensation de voir la lumière au bout du tunnel. On m’a offert une seconde chance et je l’ai saisie. A fond. »

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11 commentaires sur “Julie Bednarek, biologiste reconvertie dans les musiques actuelles : « Les formations d’Issoudun ont été une seconde chance ! »

    1. Remarque tellement étroite… et aussi très française, malheureusement. Il n’y a que chez nous que le doctorat est considéré comme n’ouvrant qu’une seule porte : celle de la recherche académique.

      Elle n’a pris la place de personne. Cette jeune femme était douée dans son domaine, elle a fait une thèse, a eu des proposition de post-doc, et a choisi de faire autre chose de sa vie. Ca n’est ni bien, ni mal. C’est un choix.

      Et peut-être que le quelqu’un en question aurait fait une thèse tout à fait nulle.

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    1. Vu le devenir professionnel des docteurs récents en génétique moléculaire, elle n’a pris la place de personne ! On ne compte plus les docteurs obligés de se reconvertir après une suite de post-docs qui se terminent au chômage quand les limites de la loi Sauvadet sont atteintes… quand ils n’arrêtent pas avant, dégoûtés par leurs conditions de travail et les chances microscopiques de décrocher un poste. Seuls les plus chanceux, les plus magouilleurs et éventuellement la crème des meilleurs candidats des labos les plus prestigieux s’en sortent, et il est peu probable qu’elle en ait privé un de la thèse.
      Au contraire, en partant maintenant elle a épargné à celui/celle qui l’aurait remplacé en thèse une probable déconvenue, et elle laisse un financement à d’autres sur le carreau.

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  1. J’ai fait un doctorat de bio il y a 10 ans et malgré 3 contrats (8 ans) en postdoc, je n’ai pas de poste fixe en recherche, comme 90% de mes collègues de l’époque. Donc contrairement aux grincheux, je trouve ça super pour vous d’avoir trouvé une autre occupation qui vous plaise!!! Vous avez contribué à l’aventure de la science pendant un temps, sans prendre la place de « quelqu’un qui aurait pu faire quelque chose avec ce doctorat » : il est probable qu’il ne serait pas allé beaucoup plus loin!!!

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  2. Exceptionnel comment on recontre surtout des aigris ici. Si elle a fait son doctorat c’est qu’elle le méritait plus à l’intant T. Bienvenue en France où on devrait s’excuser de passer devant les autres et rester bien sagement dans son couloir.
    On peut aussi se dire qu’au contraire elle a eu le courage de laisser sa place en post-doctorat ou à l’INRA (enfin c’est un degré de reflexion déjà un peu haut pour ceux qui n’aiment pas « planer » visiblement).

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  3. @ThierryT @Julien Dorn
    Vous ne semblez pas informés de l’état pitoyable de la recherche publique en France. 10% des thésards obtiennent un poste de chercheur (pour un salaire n’atteignant pas les 2000 euros net, à bac+10 ou plus). Moi même diplômé de biologie, tous mes anciens camarades post-doc se sont reconvertis sauf de rares exception. L’année dernière au CNRS il avait moins de 20 postes (nombre en chute exponentielle au fil des années) ouverts pour titularisation en biologie sur toute la France, du technicien à l’ingénieur de recherche, pour au moins 100X plus de postulants.
    Donc à moins de partir à l’étranger où de se trouver difficilement un place dans le privé, je pense que Julie a fait un choix au final des plus rationnels !

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  4. Certes de son point de vue perso c’est tout a fait sense mais du point de vue de l’argent public, c’est beaucoup d’argent gaspille pour former quelqu’un pour pas grand chose…
    (desole clavier US)

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